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 Soizic

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odalajoie

odalajoie


Nombre de messages : 1
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Localisation : VILLEURBANNE
Date d'inscription : 23/01/2013

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MessageSujet: Soizic   Soizic Icon_minitimeMer 23 Jan - 22:47

Soizic était assise depuis des heures déjà. Enivrée par le roulis du train, et la tête contre la vitre, elle ressentait chaque sursaut avec une impassible intensité. Les bras croisés contre la poitrine et le regard fixé au loin, elle n’avait qu’à attendre et se laisser guider par les rails.
A 23 ans, coincée dans un corps qu’elle avait du mal à s’approprier, ses vêtements kakis trompaient son âge et sa féminité. Sa nuque rasée et tatouée d’un aigle, laissait entrevoir les lettres « ni dieu ni maître », que la blondeur de ses racines cachait mal. Un sac à dos, probablement acheté au surplus de l’armée était niché entre ses deux rangers.
« Votre ticket s’il vous plait » Lança le contrôleur. Soizic lui tendit sans même le regarder. Encore quelques heures et tout serait terminé. Trop nerveuse pour dormir, elle sentait le métal de son arme déformer la poche de son treillis. De temps en temps, comme pour se rassurer, elle en caressait la crosse. Bien qu’elle la possédait depuis plusieurs semaines, elle semblait toujours étonnée par sa froideur et son poids, gardant en mémoire la sensation de la première fois qu’elle l’avait eu en main.
C’était Joachim, le patron du bar qui lui avait vendu sur le port. Il ne voulait pas savoir ce qu’elle voulait en faire et Soizic n’avait aucune envie de lui dire. Le contrat était simple, quelques liasses contre le flingue, et on ne s’est jamais vu. Les premiers temps, toujours dans la peur d’être contrôlée par les flics avec l’arme sur elle, Soizic n’était pas sorti de son squatt pendant deux semaines. Puis petit à petit, enhardie par son plan parfaitement organisé, elle s’était accordée quelques sorties simples, pour voir. Mais aujourd’hui c’était le grand jour. Le train entra en gare vomissant de toute part les voyageurs exténués. Elle jeta son sac sur son épaule et descendit du train. Elle avait 60 minutes devant elle, le temps de faire un repérage dans le quartier. Un vent glacial lui rougit les oreilles percées de toutes part par des dizaines d’anneaux. Sans plus attendre, elle enfouit sa tête dans un immense bonnet noir et poursuivit sa route. Elle n’avait pas de temps à perdre. Elle traversa la ville à pied et entama à grandes foulées le terrain vague qui bordait l’autoroute. Arrivée au point culminant des lieux, elle s’enroula dans d’une couverture et s’allongea sur le sol. Elle allait devoir attendre, mais ça elle savait faire. Cela faisait 10 ans qu’elle attendait, elle n’en était pas à quelques heures près. La nuit commençait à tomber avec son halot d’humidité. Soizic n’avait pas froid. Les yeux face à la maison, elle attendait. Le bruit des voitures et sa respiration la tenait concentrée. Dans le ciel, aucune étoile et pas de lune non plus. C’était prévu. La nuit complète et absolue. Et puis tout à coup elle le vit. Il sortait les poubelles. Elle ne put s’empêcher de penser qu’une ordure qui sort les ordures ça peut presque être comique. Elle le détailla avec intensité : il n’avait pas changé. Juste vieillit. C’est quand elle entendit dans le vent qu’il sifflotait, qu’elle sut que c’était le bon moment. Elle voulait gommer pour toujours sa joie de vivre et son insouciance comme il lui avait ôté, il y a 10 ans. Sans se redresser, elle sortit son arme de sa poche et le plaça dans sa mire. Ses mains ne tremblaient pas. Il resta un instant prisonnier dans son œil tandis qu’il refermait le portail de son jardin. Ses grosses mains se posèrent sur la grille, de la même façon qu’elles s’étaient posées sur elle. Soizic frémi de dégoût et de peur, et visa un peu plus. Qu’allait-elle toucher en premier ? Les genoux ? Il se serait tordu de douleur à terre suppliant qu’on l’achève. Elle aurait alors tiré dans les épaules, juste pour qu’il ne puisse plus se tordre. Elle lui aurait ensuite éclaté les mains, ses infâmes mains qui avaient fait en sorte qu’aujourd’hui encore, aucune main posée sur elle ne soit supportable. Et puis, alors qu’il se viderait de son sang comme un porc qu’on égorge, elle l’aurait émasculé, pour toujours. Pour que sa sœur ne se soit pas suicidée pour rien ; pour que sa mère ne soit pas devenue folle sans raison.
Du haut de sa colline, Soizic arma une balle dans le barillet. Une déflagration se propagea dans l’air, entraînant avec elle l’envol de pigeons. Il tomba au sol. Soizic avait finalement choisi la tête. Elle resta un instant prostrée, comme se demandant si elle avait réellement agi, ou si elle avait rêvé. Un vent glacial lui coupait le souffle. Au loin, toujours le bruit des voitures. Elle resta un instant contemplant son œuvre, étonnée par la facilité de cet acte, qu’elle avait mille fois répété en rêve. La justice n’avait rien voulu savoir. Celle de Soizic l’avait exaucée. Guettant l’horizon, elle attendit encore. Pas de flic, pas de chien. L’isolement de la maison était idéal pour elle. A croire qu’il l’avait fait exprès. Elle roula en boule sa couverture dans son sac et se redressa doucement. Elle prit soin de ne rien laisser sur place et traversa à toutes jambes le terrain vague. Prise d’une euphorie incontrôlée, elle riait nerveusement, en poussant de petits cris. Ca y est. Elle l’avait fait. Encore 10 minutes avant que le train ne quitte la gare, à cette allure là, elle l’aurait à temps. Elle monta dans un bus, mais surexcitée ne parvint pas à s’asseoir. Personne ne semblait faire attention à elle. Elle venait de tuer quelqu’un et elle se mêlait à la foule d’une manière toute à fait naturelle. Elle ne put s’empêcher de se demander combien d’autre personne assise là, avait tué un homme aujourd’hui. Le train siffla. Son départ était imminent, Soizic couru de toutes ses forces et s’engouffra juste avant la fermeture des portes. Elle regarda la ville s’éloigner au loin. Ca y était, tout était fini. Et enfin pour elle tout pouvait commencer.

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