Quelques jours plus tard, après un sommeil parcouru de nombreux cauchemars, je commença ma nouvelle vie. Une nouvelle vie qui durera l’éternité si je ne m’en lasse pas. Toujours est il qu’à mon réveil le monde qui m’entourait n’était plus aussi beau qu’auparavant. En plus du deuil que je portais, j’étais devenu un monstre qu’on allait formater pour dérober la vie des autres.
Dans mon monde, on appelle les êtres qui me sont semblables les Faucheuses d’âmes. Notre boulot consiste à reprendre la vie que « celui dont le nom ne doit être souillé » a confiée à certaines âmes. Ne me demandez pas comment, je n’en sais rien et d’ailleurs il vaut mieux pour tous que le mystère reste entier.
Toujours est il que lorsque le temps est venu, nous reprenons ce qui doit être rendu et ce sans aucune condition. Nous ne faisons aucune différence entre un enfant et un vieillard. Le temps, c’est le temps et on nous apprend dès les premières fois à le respecter, même si la tâche n’est jamais facile.
Seule une centaine de familles dans le monde transmet cette capacité à certains de ces membres, c’est pourquoi nous sommes souvent débordés, réalisant missions sur missions afin que l’équilibre ne soit jamais modifié. Notre travail est loin d’être de tout repos : on nous appelle à n’importe quelle heure du jour et de la nuit lorsqu’une âme est prête à entamer son voyage final.
On ne peut pas dire qu’enlever la vie à un être soit une chose très agréable mais avec le temps, on en vient à penser que c’est normal. Je dois d’ailleurs avouer qu’il m’arrive dorénavant de ne plus rien ressentir devant la souffrance humaine hormis de la pitié pour ses êtres qui se veulent si présomptueux. Ils aspirent au bonheur sans même savoir qu’il se trouve entre leurs mains et qu’il ne tient qu’à eux de le réaliser… Le jour où ils prendront conscience du cadeau que « celui dont on ne doit souillé le nom », ils seront sauvés. Mais il semblerait que plus le temps passe et plus ils deviennent aveugles et sourds aux nombreux signes que les élus laissent sur leur chemin.
Cependant malgré mon conditionnement, il m’arrive encore de me considérer comme un monstre lorsque j’enlève la vie à des enfants. Ils sont le symbole même de l’innocence et ils paient pour les crimes de leurs ancêtres. C’est dans des moments comme ceux-ci que j’aimerais faire parti de l’administration du Néant afin de pouvoir les renvoyer sur terre et ainsi leur donner une chance de racheter l’espèce humaine. Si, bien évidemment il n’est pas déjà trop tard…
Le téléphone sonne. Il est quatre heures du matin.
Une voix d’outre tombe m’explique le dossier dont je dois m’occuper. Un certain Mickael, 8 ans. Son départ est prévu pour dans une heure. Motif : une pneumonie contractée à la suite d’un voyage au Canada.
Six ans… C’est dans ces moments là que je voudrais tout oublier mais comme à chaque fois, je ferais ce que j’ai à faire sans aucune bavure.
Dans une demi heure, tout doit être fini. Je n’ai aucun souci pour trouver la ferme qu’il habite. Un coin complètement paumé où tout semble hors du temps.
Je rentre dans sa chambre en espérant de tout mon être qu’il soit endormi. J’ai horreur d’expliquer aux gens qui je suis et encore plus de devoir m’y reprendre à plusieurs fois pour le tuer. Je préfère les choses nettes et sans bavure.
La chambre est plongée dans un rayon de lune, me permettant ainsi de pouvoir observer l’environnement dans lequel ma victime a passé ses journées de convalescences. Tout dans la pièce aspire au calme et à la tranquillité.
Je m’approche du lit et m’y assoie. Je sens le petit corps de l’enfant frissonner tout près de moi. Comme tout être aussi jeune, il a du ressentir que son heure était venue.
J’ouvre mon livre d’incantation et commence à murmurer la prière des âmes tout en faisant le signe de croix sur le front du garçon.
-C’est toi la Faucheuse ?
Les paroles du garçon eurent un effet électrique. La prière fut stoppée net et une angoisse profonde commença à naître au creux de mes reins. Le temps ne m’aurait pas été compté, je crois que j’aurais pu continuer à fixer cet enfant jusqu’au petit matin tant il venait de me prendre de court.
-Qui t’as dit mon nom ?
-Ils m’ont dit que tu devait venir ce matin pour m’emmener là où je serais heureux. C’est vrai ?
-Ils ?
-Des anges sont venus tout à l’heure me dire de ne pas avoir peur de toi, que tu étais un ami !
Je dégluti bruyamment manquant par le même occasion de m’étouffer. Un énorme poids me tomba sur les épaules à l’évocation des anges. Je n’ose même pas imaginer la fureur du grand manitou lorsque je lui ferais mon rapport…
-Je peux emmener avec moi mon lapin ?
Cette question qui peut paraître si touchante me tira de la rêverie dans laquelle je venais de plonger.
-Je… Non, là où je t’emmène il y aura plein de lapin comme le tien et plus tard, il te rejoindra et tu pourra alors lui raconter tout ce qui t’es arrivé depuis ton départ.
Je le sens frissonner, tout son corps rejette ma présence.
-N’ai pas peur, tu ne sentiras rien.
-Ils m’ont dit de te faire confiance et de ne surtout pas avoir peur de toi car ils m’ont dit que tu étais digne. Et surtout, ils m’ont dit que je deviendrais comme eux pour pouvoir veiller sur mon petit frère !
Je regarde ma montre… J’ai tout juste le temps de finir mon travail.
-Je suis désolée Mickael, je dois faire mon travail… L’heure pour toi de rejoindre les tiens est venue. Par ta souffrance offerte à « celui dont le nom doit être souillé », tes fautes seront pardonnées. De mes propres mains tu vas rejoindre le Néant de la création. Puisse ton âme retrouver les siens comme à l’origine des âges. Avec toi j’accepte d’entamer ce voyage. Je serais ton guide, ton gardien car j’accepte de traverser les épreuves à tes côtés…
-Tu sais, les anges m’ont dit de ne pas t’en vouloir, que ce n’était pas ta faute si tu faisais cela…
-Dans les épreuves tu ne seras plus jamais seul car je me porte garant de ton âme. Puisses tu aller là où toutes les saints vont. Jusqu’à ma disparition je serais à tes côtés et pour toujours nous ne feront plus qu’un…
Je referme le livre où dorénavant le nom de Mickael Sumers figurera à tout jamais.
En refermant les yeux du garçon pour qui je serais dorénavant un maître, un froid intense me parcouru l’échine. Me sentant incapable de sortir de la pièce par moi-même, je prononça une incantation dont le sens profond m’échappait. Quelques secondes plus tard, je me retrouvai dans mes draps glacés où peu à peu je me laissa glisser dans le Néant où une nouvelle mission m’attend.
***
Note d'auteur: Me revoilà avec la suite de mon histoire!
Je sais que je ne donne pas souvent de mes nouvelles mais disons que j'essaie de venir aussi souvent qu'internet me le permet...
N'ayant toujours pas changé d'ordinateur (c'est que ça c'est pas gratuit ces petites choses là! ) et bien je me connecte quand je peux... Encore désolée de ne pas être aussi présente que je le voudrais...
Pour ce qui est de la présentation de ce "chapitre", je trouve que ça fait très bloc... Si quelqu'un pouvait me conseiller pour m'aider à rendre plus facile la lecture, je suis oki